Celluloïd et Polaroïd

Nous sommes dans une ville au cœur d’une autre ville. Les Hommes ici clouent et soudent des planches de bois et de métal, des panneaux de signalisation et des bâches plastiques décorées d’enseignes publicitaires. De ce foutraque mélange se créent des maisons sur pilotis en lévitation sur les fleuves Ogun et Osun, puis des quartiers entiers où des milliers d’enfants et d’adolescents vivent et s’entassent sans voir le bout de la lagune.

L’un des habitants est un gamin qui doit vivre comme un homme. Délaissé, Ibrahim recherche chez les femmes l’amour qu’il pense avoir trouvé devant l’écran pour cette vedette de Nollywood au regard triste. Il glisse dans la rue et trébuche alors sur la marque du diable. Il y a Joseph, il y a Sunday, Bakari et WhoKnows. Entre potes de misère une confrérie s’organise et l’imaginaire de la violence les transforme en vrais démons. Poudre de canon et kérosène. Tramadol à l’œil d’albinos. Le groupe du Colonel gentleman se spécialise dans la malédiction mobile et par messagerie gratuite : stérilité, impuissance et coups de fatigue.

Une nuit d’été, les poches pleines de Naïras et de Gris-gris, Ibrahim s’unit dans tous les sens avec une sirène qui l’emmène en rêve de Londres à Paris. De cette étreinte il recueille une semence qu’il confie à Donna Donatella ; femme de ménage, employée gouvernementale et grande prêtresse d’un culte Fon, pour qu’elle dilue l’orgasme dans de l’AJAX spécial vitre et surface lisse. Ainsi le 21 septembre madame s’active minutieusement, à quatre pattes ou sur la pointe des pieds, et toutes les glaces du palais présidentiel d’Ajuba sont traitées à la sauce Colonel.

Maintenant lorsque tu me chercheras dans la foule j’apparaîtrai dans le visage des passants. Je serai présent dans le reflet qui parcoure chaque forme du monde. Dans l’aspect de chaque lettre et même dans l’image de ton visage à travers tous les miroirs.